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Histoire Kaya

Depuis quelques mois et l'incarcération douteuse du rasta seaggaeman RAS NATTY BABY, l'île Maurice est à nouveau sur le devant de la scène des injustices, du moins sur KulturesKreols.blogspot.com, qui entend bien ne pas taire certains faits et continuer à militer pour l'égalité, la justice et la paix.
Aussi, pour bien comprendre ce qui se passe à Mauritius, nous avons souhaité revenir sur la vie d'un homme qui a profondément marqué l'histoire de l'île. Artiste inspiré, fin analyste et porte parole des exclus d'un pays dans lequel la fraction sociale est considérable, il a fait partie de ceux qui ont réellement fait bouger cette ancienne colonie ; son nom est à présent tristement inscrit dans les livres d'histoire.

Retrouvé mort un matin de février 1999, dans sa cellule des casernes centrales à Port-Louis, il a malgré lui servi d'étincelle à un mouvement de révolte violent, qui bouleversa profondément le pays. Tout ça pour une histoire banale, une histoire de spliff et de revendications comme on en voit bien souvent par chez nous, mais qui ne passe pas du tout à Mauritius.Nous venons ici rendre hommage à Joseph Réginald Topize, dit KAYA, mort le 21 février 1999 à 38 ans, dans des circonstances plus que douteuses.

MAURITIUS
Pour ceux qui ne le savent pas encore, Mauritius, ou, l'ile maurice, est une petite île de l'océan indien, voisinne de la Réunion. Lorsqu'il fût découvert en 1507 par les Portugais, ce paradis tropical n'avait encore jamais connu le pas de l'homme sur ses plages. A cette époque l'Europe était déchirée par les guerres de religion et les conquètes coloniales. Ce sont les Hollandais qui récupèreront l'île en 1598 et lui donneront le nom latin Mauritius, pour honorer un de leur héros libérateur (des espagnols) : Maurice de Nassau. Jusqu'en 1710, l'île Maurice reste occupée par les Hollandais qui y exploitent le bois et y développent à petite échelle les cultures de tabac, de coton et de canne.
A partir de 1715, ce sont les français qui occupent l'île. Dans un premier temps possession de la Compagnie des Indes, elle devient ensuite propriété du roi de France en 1767 et rebaptisée « Ile de France ». Au XVIIIème siècle, elle est le fleuron de l'empire colonial français dans l'océan Indien, centre du commerce et de la «course ».
En 1810, vient le tour des Britanniques de conquérir l'île. Après s'être fait reconnaître cette possession par le traité de Paris en 1814, ils laissent aux colons français l'usage de leur langue et du Code civil ; beaucoup de ces colons resteront, constituant le groupe des Franco-Mauriciens, grands propriétaires fonciers et hommes d'affaires. Avec l'arrivée des Anglais, la culture de la canne s'étend, d'abord avec une main-d'œuvre d'esclaves africains et malgaches, puis, après l'abolition de l'esclavage, en 1835, en ayant recours à une abondante main-d'oeuvre indienne sous contrat.L'île reste une colonie britannique jusqu'à son accession à l'indépendance, le 12 mars 1968, sous la conduite du Dr Seewoosagur Ramgoolam et après avoir connu de terribles conflits ethniques.
A l'exception d'un bref passage au pouvoir des partis de gauche dans les années 80, l'île est dirigée par une coalition conservatrice, représentant surtout les intérêts de la population d'origine indienne (68% de la population), au détriment des minorités ethniques et particulièrement des « créoles ».
Depuis plus de 30 ans, les partis politiques administrent l'île par la repression, sans connaître trop de heurs. Pourtant la marmitte chauffait et a fini par bouillir, un jour de février 1999, enclanchant les émeutes les plus terribles que l'île ait connue depuis l'indépendance.

DU SEGA A KAYA
Bien que l'on sache que le séga est pratiqué depuis plus de 150 ans, les origines de cette musique et de cette danse, répendues dans tout l'océan Indien (Réunion, Seychelles, Rodrigues, Agalega, Saint-Brandon...) sont méconnues ; une seule certitude: le séga puise ses sources en afrique. Mais curieusement, il n'existe pas sur le continent africain. Le séga est donc né avec l'exil, c'est la musique des esclaves.Loin de leur pays d'origine, les esclaves de différentes contrées se réunissaient. Ils ne parlaient pas la même langue, n'avaient pas les mêmes coutumes, ni la même musique, mais cela ne les empêchaient pas de communiquer autour de la danse et du chant. Puis la langue créole est apparue, s'est fondue dans la musique et le SEGA est né.
Dès 1768, les voyageurs de retour de Maurice parlent du chant des esclaves et de la danse. Bernardin de Saint-Pierre, parle de la passion des esclaves pour la musique, de l'harmonie douce d'instruments inconnus et de aux chansons aux thèmes d'amour. Milber, en 1803, parle lui de pas de danse sensuels. Tous nomment ces pratiques, ils parlent du Chéga ou Tchéga qui deviendra par la suite le Séga.
Au fil des décennies et en fonction des conditions de vie de la population créole, les thèmes abordés dans les chansons vont progressivement varier. Dans un premier temps ce sont l'humour et les grivoiseries (slackness) qui prendront le dessus, pour aboutir à une revendication nettement plus sociale et contestataire à l'aube des années 70 et de l'indépendance de l'île Maurice. Si l'on continue (et l'on continuera pendant longtemps encore, assurément) à entendre les propos payards de chanteurs, éternels fêtards et inconditionnels du séga variétés, il n'en demeure pas moins que le séga engagé a définitivement bousculé une partie du public.Dans un même temps, au début des années 70, la musique jamaïcaine fait son apparition à Maurice. Rapidement, les créoles se l'accaparent. Ils se retrouvent en tous points dans la contestation sociale de cette autre ex colonie anglaise, située aux antipodes.Du côté de Chamarel, un village dans les montagnes au sud de l'île, un groupe de jeunes s'est trouvé une identité forte grace à Rasta et au reggae. Ils forment le premier groupe reggae de l'île : les Marrons Brothers, leur chanteur est Ras Natty Baby. Suite à divers problèmes liés à la ganja, le groupe doit se séparer. De leur côté les musiciens forment le groupe NATIR, quant à Baby, il descend habiter dans une banlieue au sud de la capitale, dans la communauté rasta de Petite rivière, où il forme un nouveau groupe : les Natty Rebels. Nous sommes à la fin des années 70, le reggae est très répendu dans la jeunesse mauricienne, Bob Marley est quasiment devenu un héros, de plus en plus de jeunes rebelles portent les locks et forment des groupes : les Natty Jah, Ras Peros Vert, Natty Bongo ...Pendant que Ras Natty Baby et son goupe répète dans une banlieue au sud de la capitale, au nord de Port Louis, dans le ghetto de Roche-Bois, se prépare la révolution musicale qui va boulverser le pays. C'est là que Joseph Réginald Topize dit KAYA, un jeune métis, gratte à longueur de journée les chansons de Marley sur une vielle guitare folk.
KAYA est né dans le ghetto de Roche-Bois le 10 août 1960, issu d'une famille de 5 enfants. Son père pêcheur ne pouvant subvenir à son éducation, le place sous la tutelle d'un oncle. Joseph n'aura pas une enfance très heureuse. Métis mulâtre et indien, il est victime très jeune du racisme et se retrouve livré à lui même, devant trouver des petits boulots dès l'âge de 8 ans.A 16 ans, il décide d'apprendre la guitare ; il reprend les hits de Mike Brant, Santana, Deep Purple ... et anime les bals et mariages avec son premier groupe, "Wind and Fire".

Joseph découvre vite le reggae et Bob Marley devient son idole, il adoptera même le surnom de KAYA, en hommage à l'album du même nom.Fini les Mike Brant et autres groupes de pop. Il se consacre à présent à interpréter les chansons de Bob, avec un certain mimétisme d'ailleurs. Repéré pour ses talents de guitariste, il intègre le groupe de Lélou Menwar, chanteur séga contestataire, reconverti au reggae. C'est avec lui que KAYA fera ses premiers véritables concerts et ses premiers pas en studio pour enregistrer l'album Letan lenfer . De retour de tournée, KAYA décide de réunir quelques amis de Roche-Bois et de créer le groupe RACINETATAN, du nom d'un prince malgache révolté exilé à Maurice. Très influencé par le reggae et son message, KAYA reprend de nombreux hits de Marley et interprète aussi ses compositions. Mais il se pose de plus en plus de questions sur ce concept de « Roots & Culture ». Doit-t-il s'accaparer le reggae et la culture jamaïcaine ? Doit-t-il l'adapter à sa réalité ?C'est dans cette atmosphère de reflexion et de créativité, qu'en 1986 il a l'idée de génie de mélanger le reggae avec le blues local, le séga.

SEGGAE TIME NOW
Fort de son inspiration, KAYA parvient à intercaler les "triolets" du sega dans le rythme binaire du reggae, inventant ainsi le SEGGAE.Cependant, même au sein de son groupe, on est pas trop enclin à jouer cette nouvelle musique. Tout d'abord parce que le rythme n'est pas si simple, mais aussi parce que les gens veulent entendre du Marley. La route sera encore longue avant que KAYA frustré ne puisse réellement diffuser sa musique. Comme pour de nombreux artistes précurseurs, c'est la rencontre avec un producteur un peu fou qui fera le reste. PERCY YIP TONG est le fils de notables d'origine chinoise. Nous sommes au milieu des années 80, il arrive d'Europe où il a fait ses études, mais aussi organisé des concerts reggae et découvert le message rasta. En rentrant au pays, Percy est heureux de voir que la musique jamaïcaine est aussi populaire et lorsqu'on lui parle d'un jeune talentueux qui s'essaie à de nouveaux sons, il n'hésite pas à se rendre à Roche-Bois pour le découvrir.
Dès la rencontre avec KAYA et les premières répétitions auxquelles il assiste, Percy reste bouche-bée par l'énergie du groupe : " Une pièce minuscule, dix rastas entassés, un son crade et des instruments pourris, mais quel rythme ! C'était nouveau, ça vous tapait dans les reins, et puis il y avait ce petit rasta à la voix et au toucher de guitare magique... ".
Sans hésitation, Percy décide de manager KAYA et Racinetatan. Il organise alors une tournée avec les Natty Rebels de Ras Natty Baby qui connait un certain succès et d'autres groupes de reggae et de séga. Les concerts gratuits attirent beaucoup de monde et créent l'évènement sur l'île. Les jeunes apprécient le reggae et Percy est persuadé que le seggae est la force de demain. Cependant l'image des rastas, trop souvent associée à la drogue et à la délinquance, reste désastreuse. Il sera trop difficile de faire connaître le seggae par les chemins traditionnels.

Il décide alors d'attiser les vieux réflexes de jalousie en lançant RACINETATAN, " la révélation mauricienne, le groupe qui déplace les foules ", dans l'île soeur, la Réunion.
S'en suit une série de concerts et surtout la sortie du premier album seggae, enregistré en 3 nuits dans les studios de radio Corail : SEGGAE NU LAMIZIK. La réussite quasi immédiate du groupe à la Réunion, attise inévitablement la curiosité des mauriciens, un peu vexés.
On les invite alors au concert gratuit pour la libération de Mandela : c'est l'émeute. Intriguées, les mairies de l'opposition les invitent à se produire un peu partout. Vingt mille personnes devant le parlement, 44 000 au Stade National ! Fait incoyable pour une île qui compte alors à peine plus de 800 000 habitants !
Malgré la qualité médiocre de la cassette, SEGGAE NU LAMIZIK obtient des niveaux de vente jusque là jamais atteints. C'est la première fois que les stars du séga sont détronés ; le seggae est une véritable révélation, tout le monde s'y met, même Ras Natty baby qui devient vite un de ses plus important ambassadeur. Rapidement la fièvre seggae contamine tout l'Océan Indien.

Après SEGGAE NU LAMIZIK, KAYA et Racinetatan sortent "La pé universel" en 1991, "Seggae man" en 1992, "Racine pé brilé" en 1994, "Erzats of Bob Marley" en 1995, et en 1996, les albums "Zistwar révoltant" et "Chante Marley". La même année, KAYA réenregistre en numérique trois de ses premiers succès, "Simé la lumière", "Ras kouyon" et "Chante l'amour". Mastérisés en septembre-octobre 1997 à Paris, ils sortent sur un CD-3 titres intitulé "MO LA MIZIK". Ce CD sera son dernier disque et surement le plus abouti de sa carrière, au cours de laquelle il a vendu plus de 300 000 albums, dénonçant dans des textes puissants les mensonges de l'establishment et proposant des solutions à une société arc-en-ciel minée par le communalisme et le fanatisme.

En quelques années, KAYA devient un véritable héros dans tout l'océan Indien. Pourtant l'image du dread délinquant et drogué ne change pas à Maurice et KAYA continue de subir les discriminations de l'état et particulièrement de la communauté Indienne, notament à cause de la Gandia, le cannabis local, dont il prône la légalisation dans nombre de ses chansons.

UNE HISTOIRE DE MUR
Il faut bien savoir qu'à Maurice, contrairement à nombre d'endroits, il n'est pas si simple de consommer ou même de parler de l'herbe. Pour être plus précis c'est même très dangereux et sévèrement condamné.
L'état ne fait de différence entre les drogues et condamne à de fortes peines (souvent perpet) les dealers, usagers et militants. Pourtant il faut aussi noter que les Indiens du pays boivent impunément une décoction de la même herbe au nom de leur religion, sans connaître aucun problème.
C'est vrai que la drogue est un véritable fléau à Maurice, notamment dans la communauté créole, déchirée par l'alcool, le subutex et l'héroine. Mais cette excuse ne fait que masquer les véritables problèmes de la société mauricienne et ne sert qu'à écraser une communauté en mal de reconnaissance, les créoles.
La peine de mort a bien été abolie, mais le président ne l'ayant pas promulguée officiellement, certains continuent de réclamer son application pour les trafiquants de drogue. Lesquels sont souvent étrangers, pauvres de surcroit, comme les passeurs Tanzaniens ou Sri-Lankais.

Pourtant, depuis quelques années, certains hommes politiques conscients du malaise, revendiquent un assouplissement de la loi, voir même une libéralisation dans un pays finalement assez consomateur. C'est le crédo de l'avocat Rama Valayden, leader du Mouvement républicain (MR). Du coup, de nombreux artistes se rattachent à sa cause et participent à ses meetings, qui prennent la forme de concerts, un peu comme les bandwagons, en Jamaïque, dans les années 70-80.
Le 16 février 1999, le mouvement républicain organise un grand concert gratuit en faveur de la dépénalisation du gandia, rue Edward-VII au Réduit, quartier proche de Rose-Hill. 5 groupes sont à l'affiche, dont l'inévitable KAYA.
Valayden ouvre les festivités par un discours en faveur de la dépénalisation des drogues douces, affirmant : "mo pou amène dépénalisation, sinon mo pas pou dans gouvernement", comme l'a rapporté la presse locale. Valayden demande ensuite à la foule de voter à main levée quatre résolutions réclamant cette dépénalisation et lance un appel au Premier ministre Navin Ramgoolam pour que les personnes incarcérées pour possession de "gandia" (environ 2000, soit 75% de la population carcérale, pour des condamnations allant de quelques mois à deux ans) soient amnistiées.

Totalement enjouée par ce meeting la foule se presse et atteind rapidement les 2000 participants. Survoltés, de nombreux jeunes parmi lesquels des rastas, allument impunément leurs joints, provoquant les agents de la Special supporting, qui munis de gourdins, n'interviendront pourtant pas.
Ce n'est que le surlendemain que l'état et les forces de polices décident d'interpeler 5 personnes identifiées comme ayant fumé ou incité à fumer du gandia pendant le concert. Parmi eux, KAYA, qui avoue avoir fumé ce soir là et se retrouve illico presto incarcéré à la prison d'Alcatraz, centre de détention traditionnellement destiné aux gros dealer et criminels.
Une somme considérable de 10 000 roupies (2500Fr) est alors demandée pour la remise en liberté de l'artiste. Sa femme, aidée par ses musiciens et certains membres du MR (pas Valayden), réussit à regrouper la somme et s'apprète à mettre fin à une histoire une fois de plus ridicule et discriminante.
Cependant, suite à diverses maladresses des avocats et surtout à un manque de soutien politique du MR pour le faire libérer rapidement, KAYA ne peut pas sortir ce samedi 20 février et doit attendre le lundi pour être remis en liberté.Seulement KAYA ne sera plus jamais libre, sa femme ne le verra plus jamais vivant, il est retrouvé mort dans sa cellule, le matin du dimanche 21 février.
Rares sont ceux qui croient à la version officielle, selon laquelle Kaya, en crise de manque, se serait brisé le crâne en se jetant contre les murs de sa cellule. Une contre-expertise demandée par la femme de KAYA, menée par un médecin-légiste réunionnais, le Dr Ramstein, viendra d'ailleurs contredire cette thèse et montrer que la victime a été battue. Elle n'a pas été, pour reprendre le « Margouillat », victime d'un « accident de mur ».

La nouvelle se répend rapidement sur l'île, entraînant les larmes de nombreuses personnes puis le sentiment de vengeance. Les premières émeutes commencent alors dans le quartier de Roche-Bois puis s'étendent au reste du pays. Des barrages sont dressés jusque dans les rues de la capitale, et rapidement la police répond aux manifestants par des tirs à balles réelles, blessant mortellement de nombreuses personnes dont Berger Agathe, un ami de Kaya, lui aussi musicien. Les violences se nourissent en premier lieu de la contestation de la thèse officielle du suicide du chanteur, mais le malaise est bien plus profond et il s'agit en fait de l'expression d'un sentiment d'injustice portant sur l'accès à la sécurité et aux ressources nationales de la communauté créole.
La mort de KAYA, qui s'engageait en faveur d'une société multiculturelle et d'une conscience nationale mauricienne, cristallise toutes les tensions, il s'en faut alors de peu pour que Maurice ne verse dans l'affrontement généralisé, qui marque l'opposition raciale entre les communautés créoles et hindoues ...
Quasiment 5 ans plus tard, le souvenir de KAYA est toujours aussi présent à Mauritius, il a réellement marqué l'histoire de son nom. Pourtant le gouvernement mauricien ne l'entend pas de cette oreille et tente en permanence de noyer cette histoire comme toutes les autres affaires similaires. La crise économique mondiale amplifiant le phénomène, les inégalité sociales se creusent et la drogue est plus que jamais présente parmi les jeunes déshérités, ouvrant une fois de plus une brèche à la repression.

Les rivalités ethniques sont alors partiellement contenues par le gouvernement qui continue sans vergogne à exercer une politique communautariste, au détriment des minorités. Il faut dire qu'ils ont fort à faire pour développer le tourisme et avoir l'air d'un vrai petit paradis tropical !La dernière abération en date : l'arrestation du vétéran rasta RAS NATTY BABY, accusé de complicité de trafic d'héroine. Une affaire très douteuse, critiquée et qui entraîne à nouveau un puissant malaise au sein des communautés mauriciennes. Comme dirait KAYA c'est « ene zistwar revoltant !» (une histoire révoltante) et on espère bien que ça ne durera pas trop.
article de jahmusik.net

Situation du Créole à l'ile Maurice

On a commencé à aborder la question du malaise créole en 1993 mais celui-ci a pris une autre dimension aujourd'hui à Maurice. Lorsque le père Cerveaux aborda la question du malaise créole, il exprimait la frustration et la peur qu'éprouvait le peuple créole mauricien à cette époque. Cette situation a peu évolué car, aujourd'hui encore, le peuple créole est toujours invisible dans les instances politiques et économiques. Il subit toujours l'inégalité dans la distribution du pouvoir. Une telle situation est le résultat direct de facteurs historiques et non, comme certains voudraient le faire croire, la faute du peuple créole.
Mais, depuis quelques années, le peuple créole est passé à l'affirmation de son existence de manière positive. Il est sorti de la phase où il se sentait victime et exprimait son malaise. Il ne prend pas position contre qui que ce soit, mais il veut assumer ce qu'il est de manière autonome, claire et avec fierté. Cette nouvelle affirmation du peuple créole a suscité des débats et des discussions. Ce qui malheureusement provoque aussi d'autres "malaises" et une gêne chez certains intellectuels, politiciens et opinion leaders. Il existe une forte tendance à vouloir à tout prix séparer radicalement la langue créole du peuple et de la culture créoles. Il est vrai que la langue créole est la langue de l'Ile Maurice, mais il est important d'admettre qu'elle est aussi intimement liée à la culture créole.

Il existe deux grandes tendances sur la question créole à Maurice:
  • Une première tendance considère que l'affirmation d'un peuple et d'une culture créoles a une dimension ethnique trop forte et que cela est susceptible de devenir dangereux pour la société mauricienne. Selon cette tendance, il serait préférable que les Créoles ne s'affirment pas en tant que tels, mais se disent Mauriciens tout court. Selon cette analyse, les Créoles n'ont pas le droit de revendiquer une identité propre. L'affirmation politico-identitaire créole n'a pas de légitimité. La question que l'on peut se poser est celle-ci: les autres groupes présents à Maurice n'affirment-ils pas leur identité sans que cela n'ait mis en danger la nation mauricienne? Cette réflexion est d'ailleurs valable pour presque tous les pays multiculturels et multireligieux. Ce qui est plus sérieux, c'est que le texte fondateur de notre pays, la Constitution enferme le peuple créole dans l'invisibilité. La Constitution n'a pas fait de place pour le peuple créole, mais l'a noyé dans un groupe vague: la population générale. N'est-il pas important que la Constitution de Maurice reflète son peuple dans sa totalité et sa diversité?
  • Une deuxième tendance considère la société mauricienne tout simplement comme une nation de citoyens. Ceux qui partagent cette conception ne comprennent pas pourquoi le peuple créole se démarque au lieu de se situer comme citoyens à part entière. Cette analyse fait l'impasse sur les inégalités et les injustices que les Créoles ont subies et continuent de subir à Maurice. La citoyenneté est un principe profondément valable, mais elle n'est pas un donné, elle est un processus à construire précisément sur les principes constitutionnels: égalité de droits, non-discrimination, justice. De plus, Maurice est signataire de plusieurs conventions des Nations unies qui reconnaissent le droit des peuples qui vivent dans des sociétés multiculturelles à affirmer leur différence culturelle, et imposent aux États le devoir de reconnaître ces droits et de les respecter. Affirmer sa différence culturelle ne contredit en rien le sentiment d'appartenance à une nation. Lorsque les différentes composantes de la nation mauricienne auront les mêmes droits et les mêmes chances, le peuple créole sera le premier à demander d'enlever de la Constitution les références qui font encore la différence entre les Mauriciens. Dans l'état actuel des choses, ce ne serait pas raisonnable, même si dans l'idéal ce serait souhaitable. Nous affirmons que, au cœur du peuple créole mauricien qui subit bien des injustices, les Chagossiens ainsi que les Agaléens ne jouissent pas des mêmes droits et des mêmes chances que tous les citoyens de la République.

Enracinement et Ouverture

Ce qui caractérise la culture et le peuple créoles, c'est une définition originale de l'identité… La plupart des peuples définissent leur culture par rapport à leurs ancêtres communs, à leur origine, à leur racine dont ils se font une représentation claire. Par contre, les peuples créoles ne peuvent se définir de cette façon-là à cause de leur histoire. Ils ne peuvent faire référence à leurs ancêtres et à leur origine de façon claire et nette. Les liens avec leurs traditions premières, leurs langues et leurs croyances ont été brisés par la violence de l'esclavage. Ces traits sont souvent considérés comme des faiblesses et des manques mais, en réalité, ces personnes issues de différents pays et cultures ont créé, dans la souffrance, un nouveau peuple avec une nouvelle identité, une nouvelle langue, une nouvelle culture. Ce nouveau peuple est le résultat du brassage de plusieurs racines, à la manière de notre pie lafous ou du manglier.

Voilà pourquoi il n'est pas possible pour le peuple créole d'affirmer son existence par référence à un pays et à une culture autres que ceux de Maurice où le peuple et la culture créoles ont pris naissance. Comme cela s'exprime si bien par l'expression courante, les Créoles peuvent vraiment dire que leur " nombril est enterré ici ". Leurs racines sont dans la terre de Maurice et pas ailleurs. C'est ce qui explique la capacité du monde créole à accueillir les personnes et les éléments qui proviennent d'autres peuples et cultures. Le peuple créole est encore ouvert aujourd'hui pour créer du nouveau.

Créole, Créolité

Le mot "créole" désigne des langues et des peuples. Il y a des langues créoles et des peuples créoles (1). Dans l'histoire, ces deux réalités sont nées de l'esclavage dans le régime de la plantation, au temps de la colonisation. C'est ce peuple issu de l'esclavage qui a donné naissance à cette nouvelle langue en même temps qu'il prend lui-même naissance à partir de deux ou de plusieurs groupes de personnes venus avec leur culture, leur religion et leur langue propres. Des peuples et langues créoles existent dans les Caraïbes, à Haïti, aux Seychelles, à la Réunion et dans d'autres parties du monde.

En général, on appelle "créoles" les sociétés qui sont issues de ce contexte historique précis. À cause de l'histoire particulière de Maurice avec son régime de communautés, notre pays est le seul pays où le terme "créole" a pris un sens ethnique et désigne les personnes d'origine africaine ou mixte et qui sont chrétiennes.

Le mot "créole" désigne aussi la langue de la majorité des Mauriciens. La langue créole, d'abord façonnée par les esclaves dans leurs relations avec les colons français, a évolué avec l'apport des divers groupes de peuplement du pays qui s'y sont succédé et qui l'ont adoptée. Le lien historique qui existe entre la langue créole et le peuple créole ne signifie pas que celui-ci réclame l'exclusivité de cette langue. Au contraire, le peuple créole est fier que sa langue soit devenue celle de tous les Mauriciens.

A partir du mot "créole", les linguistes et les anthropologues ont forgé le concept de "créolisation". La créolisation est un processus de brassage et de mélange qui produit de nouvelles langues et cultures, qui sont les langues et les cultures créoles. Aujourd'hui, ce concept opératoire déploie toute sa pertinence dans la réflexion de certains philosophes, penseurs, humanistes, politiciens et chez beaucoup de citoyens qui voient dans le monde créole un modèle de brassage qui permet de comprendre les mutations enclenchées par la mondialisation dans le monde moderne.

Le concept de "créolité", quant à lui, met en valeur la créativité et la résistance que les esclaves ont déployées dans leur situation dramatique. La créolité désigne une réalité anthropologique, socioculturelle, économique et politique. Les nouveaux peuples issus de l'esclavage ont créé des langues, des formes diverses d'artisanat, l'agriculture et la pêche pour leur autosuffisance, des métiers tels que celui de charpentier, couturière, peintre, etc., la musique et le théâtre, une nouvelle cuisine, des valeurs morales et religieuses, etc. Dans certains contextes, dans les Caraïbes et depuis quelque temps dans les îles de l'océan Indien aussi, la "créolité" désigne également le discours qui nomme et identifie les personnes et les peuples qui se sont formés à partir de l'esclavage, c'est-à-dire que le concept de créolité est intimement lié à celui d'identité.

OSB Pionnier du Ragga/Dancehall



Pionnier du ragga/dancehall en creole dans le paysage musical mauricien Otentikk Street Brothers (OSB) s’inscrit dans le milieu comme une formation incontournable.

Existant depuis 15 ans,le groupe est le plus populaire de L’ile, voire de l’ocean Indien dans ce registre.Avec une musique engagee et des compositions coup de poings, OSB ne cesse de donner a cette musique ses lettres de nobless dans L’ile. Il ne cess d’inspirer d’autres groupes qui poussent comme des champignons.Forme par les freres Raya en 1992, Otentikk Street Brothers regroupe, aujourd’hui, les meilleurs ‘toasters’ de L’ile, notamment Dagger Kila (Pascal Ferdinand), Blakkayo (Jean Clario Gateaux), MAster Kool B(Bruno Raya) et Tikkenzo (Kersley Lafolle). Le group comprend aussi Marie Michelle Perrine et DJ Did Steph. Que Se soit sur scene ou les album, OSB est devenu une reference pour bon nombre. Il est considere comme le porte-drapeau de la musique roots.



Avec quatre albums a son actif ainsi que 2 DVD, realiser lor du ‘Festival Reggae Donn Sa 1 et 2’ , OSB jouit aujourd’hui d’une assise solide dans l’ile et dans l’ocean Indien



Folklore et Musique de l'île Maurice


Quoi de mieux que son folklore et sa musique pour sentir la culture vivante d'une nation. L'île Maurice est bénite de sons et rythmes qui lui proviennent des civilisations occidentales, orientales et africaines qui se sont imposés dans son histoire. Cet héritage a été préservée et est restée intacte dans sa passation de génération en génération. D'un autre côté, quelques-uns se sont rejoints pour former des sons et des rythmes uniques.

Parmi les danses folkloriques de l'île Maurice, celle du Séga qui est d'origine africaine a été adoptée comme la danse typique de l'île. Cette danse érotique est entraînée par le battement de la Ravanne, un tambour circulaire et d'autres instruments rythmiques tel le Maravane et le Triangle. Dansé et chanté par les esclaves d'antan, cette danse aujourd'hui adoptée par tous les mauriciens a sa place dans toutes les occasions. Plus récemment, un nouveau son qui est un mélange du Séga et du Réggae jamaïcain est venu s'installer dans la culture musicale de l'île. Cette fusion appelée Seggae qui a émergé dans les années 80 est un nouveau rythme mélodieux et entraînant qui reflète cet aspect mixte de l'île Maurice. A l'origine, cette musique fut crée par les Rastafaris et les musiciens provenant des banlieues pauvres de la ville de Port Louis. Depuis, cette musique a fait son chemin jusque dans les boîtes de nuits et se retrouve parmi les musiques populaires locales. Vous trouverez dans les maisons de disques de l'île un nombre d'albums et compilations sur cassettes ou CD de séga et seggea produits par des artistes mauriciens.

A part le Séga, il y a aussi les musiques et danses traditionelles qui nous viennent de ces immigrants Chinois et Indiens qui sont venus s'établir sur l'île. Peu de chose peuvent se comparer au raffinement et à l'élégance de la danse classique indienne. Drapées dans leurs saris multicolores, ces danseuses exécutent sur une chorégraphie précise leur danse où chaque posture et pose expriment un sens propre à elle. Ces danses sont accompagnées de musiques aux sons exquis provenant du sitar et du tabla exprimant dans leur union tout le raffinement et la magie de la culture orientale. Les danses traditionelles chinoises les plus connues sont la danse du dragon et du lion. Ces danses dans lesquelles précision et agilité des danseurs s'entr'actent pour redonner vie à ces créatures mystiques est à voir. La plupart des grands hôtels organisent des shows culturels pour des occasions spéciaules où vous verrez se produire ces danseurs et musiciens. Durant la période des fêtes, le Caudan Port Louis Waterfont organise des shows spécial où vous pourrez admirer la riche diversité culturelle qu'a hérité l'île maurice.

La musique occidentale tient aussi une grande place dans la culture mauricienne. Les musiques populaires tel le rap, le hip-hop et le rock dominent les scènes mais vous trouverez aussi du jazz, d'autres musiques et danses encore plus traditionnelles comme la Valse et tout types de danses de salon. Il y a aussi une très grande appréciation pour le style de musique des années 60 à 70 avec des préférences pour Elvis Presley, Cliff Richard, Englebert Hemperdick. Quoi que la musique anglo-saxonne soit des plus appréciées parmi les musiques européenes, les liens qu'ont conservés les mauriciens avec la culture française font de la musique et des artistes français les plus connus et les plus appréciés.

La Compagnie Des Indes



La Compagnie des Indes naquit au 15ème siècle alors qu’une compétition féroce opposait les principales puissances européennes dans le commerce des épices de l’Orient. En 1604, une compagnie de marchands flamands dirigée par Godefroy et Gérard Leroy obtenait une lettre patente du roi Henri IV qui leur accordait pour une période de 12 ans le monopole du commerce avec l’Inde au-delà du Cap de Bonne- Espérance. Toutefois, faute de moyens et d’organisation, cette première initiative se soldera par un échec et la Compagnie sera reprise sous Louis XIII, en 1615, par deux marchands de Rouen sous le nom de la « Compagnie des Moluques » dont l’existence fut également brève. En 1642, à l’initiative de Richelieu, la Compagnie d’Orient, ou de Madagascar, avait vu le jour, cependant, malgré l’intervention du duc de la Meilleraye qui en avait pris la charge en 1656, celle-ci sera ruinée après douze ans d’existence.

Ce n’est que sous le règne de Louis XIV, à partir de 1664, que la Compagnie des Indes Française (au-delà du Cap de Bonne- Espérance) connaît, sous l’impulsion de Colbert, son véritable essor. Dès 1667, ce dernier prend l’initiative de déléguer François Caron à Surate dans le dessein d’y créer un comptoir. Caron confiera par la suite à François Martin la mission de trouver un endroit propre à l’installation d’un comptoir sur la côte de Coromandel. C’est ainsi qu’après avoir fait l’acquisition d’une concession au nabab du Carnate, François Martin fonde Pondichéry en 1674 où il érigera les premières fortifications. Dans les années 1695, il réorganisera les comptoirs de Chandernagor, de Balassor et de Cassimbazar au Bengale, fondés par Duplessis en 1673. Une ère nouvelle se dessine désormais pour la Compagnie des Indes Française qui, au cours de cent vingt huit années d’existence, subira toutefois quelques métamorphoses avant sa dissolution en 1793.

La Compagnie des Indes Orientales (1664-1719)

Cette compagnie jouissait d'un privilège exclusif avec tous les points de commerce au-delà du Cap de Bonne- Espérance et cela pour une période de cinquante ans.

La Compagnie des Indes Française (1664- 1793)

Affranchie de toute redevance envers l’Etat, elle bénéficiait, en outre, de l’appui total des vaisseaux et de l’armée du roi qui la garantissait contre toute perte éventuelle durant les dix dernières années. De plus, elle avait droit de propriété sur tout le territoire qu’elle occuperait, d’ailleurs le roi lui concéda Madagascar, l’Isle de France et L’île Bourbon. Hormis le commerce, la compagnie avait également le droit d’organiser des courses et pouvait ainsi armer des vaisseaux de guerre pour défendre ses possessions. Cependant toutes ces concessions royales n’allaient pas sans obligations. En retour, la compagnie en tant que représentante de Sa Majesté devait promouvoir le culte et elle était tenue de verser un dixième du produit de ses prises dans les caisses royales. Néanmoins, la compétitivité qui régnait dans le secteur du commerce des épices et les guerres des pays d’Europe, allait vite causer la ruine de la Compagnie.

La Compagnie Perpétuelle des Indes (1719- 1769)

Pour sauver la situation, les compétences de l’économiste John Law furent sollicité et celui-ci procéda à une fusion des trois compagnies existantes de France, la Compagnie d’Occident, la Compagnie des Indes Orientales et la Compagnie de Chine qui formeront la Compagnie perpétuelle des Indes. Son rayonnement devient alors immense puisqu’elle inclut désormais les installations de la France en Amérique, en Afrique et en Chine. C’est ainsi qu’en dépit de bien des moments difficiles, elle a suffisamment d’envergure pour faire face aux concurrents que représentent la East India Company des anglais et la Vereenigde Oost Indische Compagnie des hollandais.

Mais les guerres successives de la Succession d’Autriche (1744-1748), puis celle de 7 ans (1756-1763) auront d’inévitables répercussions dans la mer des Indes et mineront, une fois de plus, l’économie de la Nouvelle Compagnie. La situation est telle qu’en 1769, il est décidé de suspendre tous ses privilèges et de la mettre en faillite, ce qui permet dorénavant à tout français d’accéder au commerce libre. L’administration royale reprend de facto en mains les différentes comptoirs dont celui de l’Isle de France dès 1767 et Pierre Poivre est alors nommé Intendant.

Pierre Poivre Intendant de l’Isle de France

Singulier parcours que celui de Pierre Poivre, Intendant et commissaire générale de la Marine de 1767 à 1772. Il réussit à dérober aux îles Moluques des plants et épices parmi les plus convoités au monde, la noix de muscade et le clou de girofle dont les hollandais avaient le contrôle exclusif. Par cet exploit audacieux, il allait briser une fois pour toute leur puissant monopole sur les épices.

Pierre Poivre passa deux séjours à L’Isle de France, en 1746 il fit un bref passage qui dura 3 ans, puis de 1753 à 1756, alors que Lozier est gouverneur : Poivre est alors à l’Isle de France en simple botaniste et son projet est d’essayer d’y acclimater la noix de muscade et le clou de girofle. Durant son séjour à Batavia, il s’était intéressé de très près à l’activité alors florissante des hollandais dans cette région : l’exploitation de la noix de muscade et du clou de girofle. Très appréciés en Europe à cette époque, non seulement pour leur particularité à conserver les viandes mais aussi à rehausser la saveur des mets, ces ingrédients constituaient une précieuse denrée et revêtaient par conséquent une valeur inestimable. Poivre s’aperçut très vite que cette entreprise était la véritable épine dorsale du commerce des Hollandais dans cette région et tant qu’ils exerceraient un contrôle sur les îles Moluques, seules terres du globe à prodiguer ces véritables joyaux, ils seraient les seuls à bénéficier d’une richesse commerciale croissante. Malgré l’étroite surveillance dont ces îles faisaient l’objet et les sanctions sans appel auxquelles était exposé tout « chasseur d’épices », Poivre, au mépris du danger, parvint à dérober dix-neuf plants de muscadier ainsi que quelques noix propres à la germination qu’il dissimula dans la doublure de sa veste.

Sur la route du retour, il fait escale à Pondichéry où il rencontre Dupleix alors gouverneur des établissements français aux Indes. En 1746, il profite de l’escadre de La Bourdonnais pour voguer vers l’Isle de France avec déjà en tête l’idée de ravir aux Hollandais le monopole de ces fameuses épices. Il envisagea d’introduire le muscadier et le giroflier à l’Isle de France et d’en développer la culture sur une grande échelle, dotant ainsi son roi et la France d’un atout. Après avoir convaincu la Compagnie des Indes de la nécessité de cet objectif, il s’embarqua aussitôt sur le Mascarin en direction de Manille dans le but de ramener une cargaison de plants à épices. Il devint bientôt une célébrité dans le domaine des sciences naturelles, à un tel point que sa réputation atteint les hautes instances de l’Etat. Louis XV va alors l’anoblir, lui concéder le cordon de l’ordre de Saint Michel et le nommer intendant des Isles de France et de Bourbon et il sera chargé de mettre en place les premières structures de l’administration royale qui désormais va remplacer celle de la Compagnie des Indes.

Bien que n’ayant pas le titre de gouverneur, Pierre Poivre par sa force de caractère et l’envergure de ses projets pour le développement de la colonie, peut être considéré comme le véritable administrateur de l’île, malgré son titre d’intendant. En raison du succès de ses entreprises et de l’impulsion qu’il donnera aux colons, il continuera, par bien des aspects, l’œuvre de La Bourdonnais.

L’île de France et la Compagnie des Indes

Après le départ des Hollandais en 1710, l’île Mauritius restera Lîle Mauritius et restera déserte pendant quelques années. Ayant déjà établi une colonie à l’île Bourbon en 1654, la France va désormais s’intéresser à l’île Maurice. Consciente de l’avantage de sa situation géographique, qui la place au cœur de la route des épices, elle pense que celle-ci pourrait lui assurer une bonne escale dans la région afin d’y affirmer sa présence, car à l’instar des hollandais et des anglais elle montrera l'ambition de s’insérer plus solidement dans le commerce des produits orientaux en exploitant les ressources de l’Inde et de la Chine.

Les Hollandais, à travers leur puissante compagnie, sont déjà bien implantés au Cap mais surtout en Indonésie où grâce au contrôle des îles Moluques, ils possèdent le monopole du commerce du clou de girofle et de la noix de muscade qui atteingnent des prix exorbitants sur le marché en Europe. La France avait bien tenté de s’installer sur la côte sud-est de Madagascar en 1642, où elle avait créé le comptoir de Fort- Dauphin, mais elle avait dû y renoncer après le massacre des premiers colons par les indigènes. L’île Maurice, inhabitée, lui convenait tout à fait. Autre avantage ; elle était dotée de deux excellents ports, notamment Port- Louis qu’ils avaient au départ nommé Port Nord-ouest et le Grand Port, situé sur la côte sud-est. Ces ports étaient bien abrités et confortables et surtout pouvaient offrir une escale idéale pour les vaisseaux de la Compagnie éprouvés par les épuisantes traversées depuis l’Orient et Saint-Malo.

Langues De L'Ile Maurice


La langue la plus couramment parlée à Maurice est le créole. Le créole est une langue dérivée du français qui a évolué de manière étonnante. La langue française a été la première langue parlée à Maurice; les colons qui venaient de diverses régions de la France s’exprimaient avec des accents différents. Les esclaves noirs qui venaient du Sénégal ou du Mozambique, les indiens de différentes régions de l’Inde et les chinois du canton voulaient se comprendre ; la langue créole s’est ainsi développée à partir de 1769, transformant le français en une langue pimentée et singulière.

Le créole est une part très importante dans la culture mauricienne car il fait partie de l’identité, du mode de vie et de « l’esprit » mauricien. Outre le créole, d’autres langues ont été développées comme le Chinois et le Bhojpury qui est parlé dans les régions rurales.

Bien que le créole soit la langue préférée des mauriciens, on ne lui donna pas de caractère officiel. La langue officielle du pays est l’anglais bien que le français soit plus utilisé dans le milieu des affaires et de l’administration.

Arc-En-Ciel Culturels et Religieux de l'ile Maurice

L’île Maurice, splendide mosaïque de cultures et de religions, a une population multi raciale qui s’élève à 1.2 millions d'habitants. Les mauriciens sont les descendants d’émigrants venus notamment du sub-continent Indien, de la côte est Africaine, de l’Europe et de la Chine. La diversité culturelle et l’harmonie qui y règnent en font une île unique au monde.
L’histoire du peuplement de Maurice commença au XVI siècle ; les colons furent les premiers habitants de l’île, ensuite lors de la traite des esclaves, des centaines d’hommes et de femmes sont débarqués pour travailler dans les champs. Avec l’abolition de l’esclavage en 1835, des travailleurs indiens appelés « coolies » arrivent de l’état du Bihar, de Maharashtra, de Madras et du Gujrat. Les musulmans de l’Inde appelés « lascards » arrivèrent en tant qu’artisans et commerçants. Les chinois de la province du Canton arrivèrent à Maurice dès 1845. Ce sont eux qui pendant très longtemps ont tenu les comptoirs des « boutiques chinois », si pittoresque dans le paysage mauricien. Malheureusement, aujourd’hui, ces vieilles boutiques sont destinées à disparaître au profit des grandes chaînes de supermarchés.
L’île Maurice compte une forte présence d’Indo Mauriciens, 70% de la population. Ce pourcentage peut être subdivisé : 52% représentent les Indo Mauriciens de foi hindou et 18% les Indo Mauriciens de foi musulmane. La Population Générale incluant les franco- mauriciens, les descendants d’esclaves et toute une gamme de métisses forme 27% de la population. Finalement les sino mauriciens forment 3% de la population. Les principales religions de l’île sont l’hindouisme, le christianisme, et l’islam. Des tensions existent entre ces religions mais le respect mutuel l’emporte toujours à Maurice.
Maurice est un des pays à très forte densité, comptant 560 habitants par Km². Le pays a connu une explosion démographique à partir des années 50. Aujourd’hui, la croissance annuelle est de 1,23%. La population est hautement urbanisée ; plus de 40% de la population habite les grandes villes comme Port Louis, Beau Bassin/ Rose Hill, Vacoas/ Phoenix, Curepipe et Quatres Bornes. La surpopulation des grandes villes est la cause de nombre de problèmes comme la création de bidon villes, appelés « camps ».
Le taux d’alphabétisation est très élevé et atteint plus de 80% chez les mauriciens.

Ile Maurice à travers le temps


Il paraîtrait qu’au X siècle des navigateurs arabes foulaient déjà la terre mauricienne ; sans doute pour y faire escale et se ravitailler en eau et nourriture. Durant leur court séjour, ils nommèrent l’île « Dina Mozarre ».

En 1498 des explorateurs portugais jetèrent leur ancre sur notre littoral. Ils nommèrent à leur tour l’île, « Ilha do Cirne ». Parmi ces portugais, était le navigateur Pedro Mascarenas, qui baptisa les îles Maurice, Rodrigues et Réunion : îles Mascareignes. Les portugais ne trouvaient pas grand intérêt à cette île loin de tout et la quittèrent peu de temps après avoir goûté à la chair délicieuse du DODO.
Les hollandais débarquèrent en 1598. Ils baptisèrent l’île « Mauritius » en l’honneur du prince Maurice d’Orange. Ils essayèrent en vain de vaincre le climat tropical, les épaisses forêts et les intempéries pour enfin abandonner l’île aux pirates en 1710. En effet, les pirates venus de quatre coins d’Europe s’étaient installés à Madagascar et ils erraient constamment sur la mer de L’Océan Indien. Ils s’attaquaient aux riches navires de marchandises sur la route des Indes et utilisaient Maurice comme cachette pour mieux embusquer ces navires gorgés de richesses qu’ils rêvaient de piller. Un des pirates les plus connu durant l’occupation hollandaise fut le Capitaine John Bowen, qui visita l’île en 1704 à bord d’un bateau qu’il avait pillé et avec son équipage fort d’une centaine d’hommes de couleur et de 80 hommes blancs. Durant le passage des hollandais, la culture de la canne à sucre sera introduite, ainsi que des cerfs de Java, et des sangliers. Malheureusement cet apport à l’île sera largement dépassé par les dégâts causés à la nature par ces habitants de passage. Les hollandais décimèrent massivement les précieux ébéniers, qui donnaient un bois noble, noir et pesant, et qui abondaient sur l’île avant d’être abattus et envoyés par tonnes vers l’Europe. Autre victime, le DODO, espèce unique d’oiseau qui n’existait que sur l’île.

En 1715 les français prirent possession de l’île ; le capitaine Guillaume Dufresne la baptisa L’île de France.
En 1721, la colonisation commence vraiment ; L’île de France devient membre de la Compagnie Française des Indes Orientales. Ses terres cultivables, ses deux grands ports naturels et sa position stratégique par rapport à la route des Indes lui confèrent un grand intérêt. L ’île Maurice servait de port d’attache pour la Compagnie Française des Indes Orientales qui faisait du commerce avec l’Inde, notamment le Pondichéry. Port Louis était une escale idéale pour les navigateurs faisant le tour du continent africain avant d’arriver dans l’Océan Indien.

En 1735, Mahé de la Bourdonnais, figure très importante de l’occupation française, fût nommé au poste de gouverneur de l’île. Cette nomination va marquer l’essor de l’île ; sa position stratégique jouera un rôle déterminant dans le développement de Port Louis, la capitale, en une ville portuaire et une base navale de la région. Pour concrétiser son ambition, Mahé de la Bourdonnais fera établir de plus en plus d’esclaves et de colons français sur l’île ; le mode de vie des colons était régit par Le Code de Paris, alors que celui de l’esclave noir était soumis aux lois cruelles du fameux Code Noir. Une administration structurée sera établie pour gérer le commerce qui fleurit, le premier moulin à sucre sera construit, ainsi qu’un hôpital, et les routes seront notablement améliorées.



En 1744, le naufrage historique du Saint Gérant eut lieu au large de l’île ; ce naufrage inspira Bernardin de Saint Pierre, l’auteur de Paul et Virginie.




En 1767, La Compagnie des Indes, ruinée, abandonne l’île au Roi de France, Louis XV. La couronne délégua ses pouvoirs administratifs au gouverneur général.

En 1789, les répercussions de la révolution en France se font sentir chez les colons français qui se rallient à la révolution mais refusent d’abolir l’esclavage.
Au début du XIX siècle, les anglais s’intéressent de plus en plus à l’île. En août 1810, la bataille dite du Grand Port, qui opposait les français aux anglais sera remportée par les français, cette victoire fut même inscrite comme victoire napoléonienne sur L’Arc de Triomphe à Paris. Malgré la défense farouche des français, les anglais arrivèrent bientôt en nombre supérieur et prirent l’île Maurice à la France. L’île de France sera rebaptisée « Mauritius ». Le Traité de Paris fût signé afin de régir les relations entre français et anglais, dont l’article 8 de ce Traité qui stipulait que les habitants pourraient préserver leur religion, coutumes, langues et leur système juridique, ainsi que leurs plantations. Mais bientôt les anglais, non contents du système administratif des français, y apportèrent quelques changements. La langue officielle devient l’anglais et les institutions administratives telles les cours de justice ont du se plier au système anglais. Quoi qu’il en soit, L’île Maurice a un système juridique qui aujourd’hui applique aussi bien les articles du Code Napoléon que les principes du Common Law.



En 1835, l’esclavage est désormais abolit. La main d’œuvre est sollicitée, ainsi des travailleurs venus de l’Inde et de Chine sont employés sous contrat. Au milieu du XIX siècle, quelque 250 sucrières fonctionnaient, alors qu’il en reste très peu aujourd’hui.



En 1867, l’île Maurice est dévastée par une épidémie de malaria. Chaque bateau qui transportait des indiens vers Maurice avait à bord des malades souffrant de diverses maladies contagieuses. Environ 10 000 indiens arrivaient de l’Inde chaque année ; des médecins négligents ne constataient pas l’état de santé des travailleurs arrivant par masse.
En 1865, quelques indiens sur la plantation de Wolmar, sur la côte ouest, attrapèrent la fièvre. Celle-ci se répandit pour devenir dans l’espace d’une année une véritable épidémie.

En 1867, la malaria aurait tué 20 000 habitants de port Louis sur 80 000 ; des funérailles se faisaient à chaque coin de rue de la capitale. Les habitants de Port Louis quittèrent la capitale pour se réfugier en haute plaine où le climat plus frais attirait moins les moustiques, porteurs de la maladie. Mais l’épidémie gagna aussi les collines ; durant ces trois années, entre1865 et 1868, la malaria aurait causé la mort de 70 000 habitants sur une population de 350 000.

En 1901, l’île Maurice reçut la visite du Mahatma Gandhi venu prôner les droits civiques dans la colonie anglaise.



En 1936, le premier parti politique à défendrer les droits des travailleurs voit le jour, c’est le Labour Party. Autre parti politique, celui-ci représentant la population blanche et créole, le PMSD. Quelques grandes figures politiques de l’histoire de Maurice se feront remarquer dès lors.

En 1965, la lutte pour l’indépendance divise le pays en deux ; une partie veut à tout prix une île Maurice indépendante et l’autre veut rester sous le règne britannique. Dans la même année une conférence constitutionnelle, le Lancaster House Conference, est tenue à Londres, réunissant les partis politiques de l’île afin d’envisager une structure possible pour une l’île Maurice indépendante.


En 1967, les premières élections législatives ont lieu et le Labour Party obtient la majorité des sièges à l’Assemblée. Sir Seewoosagur Ramgoolam est élu Premier Ministre. L’indépendance de Maurice est proclamée le 12 mars 1968. L’île Maurice indépendante resta néanmoins sous la gouvernance de la reine.


En 1992, l’île Maurice devient une république et demeure un pays du commonwealth ; le gouverneur général d’alors, Sir Veerassamy Ringadoo dû céder sa place à Cassam Uteem au poste de Président de la République de Maurice au château de Réduit. L’île Maurice hérita d’une constitution calquée sur le modèle de Westminster de la Grande Bretagne. Les élections se tiennent chaque cinq ans pour élire les membres du gouvernement et ceux de l’opposition. L’île Maurice est en effet considérée comme un modèle de démocratie car elle a démontré une stabilité politique encore rare dans la région.