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Situation du Créole à l'ile Maurice

On a commencé à aborder la question du malaise créole en 1993 mais celui-ci a pris une autre dimension aujourd'hui à Maurice. Lorsque le père Cerveaux aborda la question du malaise créole, il exprimait la frustration et la peur qu'éprouvait le peuple créole mauricien à cette époque. Cette situation a peu évolué car, aujourd'hui encore, le peuple créole est toujours invisible dans les instances politiques et économiques. Il subit toujours l'inégalité dans la distribution du pouvoir. Une telle situation est le résultat direct de facteurs historiques et non, comme certains voudraient le faire croire, la faute du peuple créole.
Mais, depuis quelques années, le peuple créole est passé à l'affirmation de son existence de manière positive. Il est sorti de la phase où il se sentait victime et exprimait son malaise. Il ne prend pas position contre qui que ce soit, mais il veut assumer ce qu'il est de manière autonome, claire et avec fierté. Cette nouvelle affirmation du peuple créole a suscité des débats et des discussions. Ce qui malheureusement provoque aussi d'autres "malaises" et une gêne chez certains intellectuels, politiciens et opinion leaders. Il existe une forte tendance à vouloir à tout prix séparer radicalement la langue créole du peuple et de la culture créoles. Il est vrai que la langue créole est la langue de l'Ile Maurice, mais il est important d'admettre qu'elle est aussi intimement liée à la culture créole.

Il existe deux grandes tendances sur la question créole à Maurice:
  • Une première tendance considère que l'affirmation d'un peuple et d'une culture créoles a une dimension ethnique trop forte et que cela est susceptible de devenir dangereux pour la société mauricienne. Selon cette tendance, il serait préférable que les Créoles ne s'affirment pas en tant que tels, mais se disent Mauriciens tout court. Selon cette analyse, les Créoles n'ont pas le droit de revendiquer une identité propre. L'affirmation politico-identitaire créole n'a pas de légitimité. La question que l'on peut se poser est celle-ci: les autres groupes présents à Maurice n'affirment-ils pas leur identité sans que cela n'ait mis en danger la nation mauricienne? Cette réflexion est d'ailleurs valable pour presque tous les pays multiculturels et multireligieux. Ce qui est plus sérieux, c'est que le texte fondateur de notre pays, la Constitution enferme le peuple créole dans l'invisibilité. La Constitution n'a pas fait de place pour le peuple créole, mais l'a noyé dans un groupe vague: la population générale. N'est-il pas important que la Constitution de Maurice reflète son peuple dans sa totalité et sa diversité?
  • Une deuxième tendance considère la société mauricienne tout simplement comme une nation de citoyens. Ceux qui partagent cette conception ne comprennent pas pourquoi le peuple créole se démarque au lieu de se situer comme citoyens à part entière. Cette analyse fait l'impasse sur les inégalités et les injustices que les Créoles ont subies et continuent de subir à Maurice. La citoyenneté est un principe profondément valable, mais elle n'est pas un donné, elle est un processus à construire précisément sur les principes constitutionnels: égalité de droits, non-discrimination, justice. De plus, Maurice est signataire de plusieurs conventions des Nations unies qui reconnaissent le droit des peuples qui vivent dans des sociétés multiculturelles à affirmer leur différence culturelle, et imposent aux États le devoir de reconnaître ces droits et de les respecter. Affirmer sa différence culturelle ne contredit en rien le sentiment d'appartenance à une nation. Lorsque les différentes composantes de la nation mauricienne auront les mêmes droits et les mêmes chances, le peuple créole sera le premier à demander d'enlever de la Constitution les références qui font encore la différence entre les Mauriciens. Dans l'état actuel des choses, ce ne serait pas raisonnable, même si dans l'idéal ce serait souhaitable. Nous affirmons que, au cœur du peuple créole mauricien qui subit bien des injustices, les Chagossiens ainsi que les Agaléens ne jouissent pas des mêmes droits et des mêmes chances que tous les citoyens de la République.